Article dans le cadre du programme de Dea Mystica
Cerridwen est une Déesse Galloise, dont on retrouve la trace dans le conte de Taliesin le barde. Elle est l’épouse de Tegid Voel, et vit sur une île au milieu du lac portant le même nom. Elle est également la mère de deux enfants, Creirwy, aussi belle, gracieuse et lumineuse que son frère Morvran est ingrat et sombre (son nom signifie le Noir).
Voulant doter son fils de qualités qu’elle juge nécessaires pour pallier à son apparence disgracieuse, Cerridwen s’attelle à la fabrication d’une potion permettant à quiconque la boirait d’être capable de double vue, et de posséder une connaissance infinie. Cependant, l’histoire tourne mal pour le pauvre enfant, car les trois gouttes du breuvage, contenant toute la magie de l’Awen, sont avalées par le jeune aide de Cerridwen, qui devait surveiller le feu jour et nuit tandis que sa maîtresse parcourait les alentours à la recherche des plantes nécessaires pour la confection de la potion. S’en suit alors une course poursuite effrénée entre la Déesse vengeresse et le jeune garçon sous diverses formes animales, avant qu’il ne finisse avalé par Cerridwen. Quelques mois plus tard, elle donna naissance à un troisième enfant, qu’elle abandonne dans un panier sur la rivière, et qui sera par la suite connu dans toute la contrée comme le barde Taliesin.
Ce mythe est pour moi la preuve que Cerridwen est avant tout une Déesse initiatrice, transformatrice. En effet, tout d’abord elle est explicitement appelée sorcière, versée dans l’art des plantes et des potions, maîtrisant l’astrologie. Elle est généralement associée à la figure de la Crone dans l’allégorie de la triple Déesse/Lune, représentant la vieille femme sage, la lune décroissante, par ses connaissances multiples et poussées. Gwion Bach, jeune garçon sensé aider la Déesse durant la fabrication de la potion, tient donc le rôle de l’apprenti.
Deux versions existent de cette histoire à partir de cet instant: tout d’abord celle où Gwion reçoit, par inadvertance, trois gouttes brûlantes jaillissant du chaudron sur le pouce, et, sans réfléchir, le porte à sa bouche, absorbant ainsi toute la connaissance et la sagesse contenues dans le breuvage, ou bien alors celle où, sentant que l’instant final était proche, Gwion écarte intentionnellement Morvran du chaudron afin de bénéficier de ses bienfaits. Quoi qu’il en soit, les deux versions montrent que seul celui qui a pris part à la confection de la potion a la possibilité de recevoir son contenu. La connaissance et la sagesse sont le résultat final d’un travail, et celui qui attend que cela lui tombe tout droit dans le bec n’est pas récompensé.
À cet instant, Cerridwen comprend que son charme n’a pas touché la personne escomptée, tandis que Gwion, lui, avec ses nouvelles capacités, entrevoit le destin qu’elle lui réserve. Elle est furieuse, et prend en chasse le garçon. Tout d’abord lièvre, elle le poursuit sous forme de lévrier. Poisson, elle devient la loutre. Moineau, elle sera le faucon. Et enfin grain de blé parmi les grains, elle devient poule et le gobe.
Ainsi, nous pouvons voir la deuxième partie de l’apprentissage. Le challenge. Cerridwen met, métaphoriquement, au défi son apprenti, tandis que Gwion met en pratique ses nouvelles connaissances.
Visiblement, le défi est relevé et réussi, puisque la Déesse, en avalant Gwion, lui donne accès à un nouvel état. Il est transformé par la Déesse, devenue à son tour le chaudron de la renaissance.
Il accède à la fois à la mort, et à une nouvelle existence, mais aussi, aborde un rite de passage. De jeune garçon apprenti, il devient celui qui est homme et féconde la Déesse.
De grain de blé, Gwion se transforme en Taliésin, comme le Dieu grain qui meurt pour renaitre chaque année, une renaissance sempiternelle mais jamais identique.
Le passage par l’utérus de la Déesse offre une nouvelle capacité à Gwion/Taliésin, celle de l’éloquence et de l’inspiration, car Taliésin devient l’un des plus grands, si ce n’est le plus grand barde du Pays de Galles, encore cité de nos jours.
Toutefois, cela est différent du mythe du chaudron de Manawyddan, où les soldats morts, passant par le chaudron, ressuscitent le lendemain, mais dénués de parole, sûrement pour ne pas avoir la capacité à exprimer ce qu’ils ont pu voir dans la contrée de la mort.
Peut-être le fait que, d’un coté, le chaudron est symboliquement tenu par une femme sorcière, alors que dans l’autre cas, il est tenu par un homme sorcier ?
Quoi qu’il en soit, Cerridwen est donc, de ce fait, la Déesse initiatrice du monde Gallois.
Elle est la première Déesse qui m’a accompagnée sur le chemin de la spiritualité païenne. Elle est, encore aujourd’hui, celle qui me challenge le plus, qui me donne des pistes mais me laisse arriver au bout des choses seule, rectifiant le tir à l’occasion si je m’éloigne trop du but.
Grâce à elle, j’apprends toujours et encore, elle m’anime du feu de la connaissance, et j’espère qu’elle m’accompagnera encore sur cette voie un long moment.